Une liseuse électronique, est-ce écologique?

Une liseuse électronique, est-ce plus écologique ?

C’est la question qui se pose sur le Net depuis quelques années. Et c’est celle qui ressort à une époque où la conscience écologique anime la grande majorité d’entre nous. Alors, utiliser une liseuse électronique, est-ce un acte aussi écologique qu’on peut être amené à le croire ?

Moins de papier

La liseuse électronique réduit l’usage du papier, certes : pas de feuilles, donc pas d’arbres abattus ni transportés, et pas de pollution générée lors de la fabrication de la matière. Ce sont des données importantes quand on sait que l’industrie du papier engendre plus de 1 % des gaz à effet de serre (Futura-Planète, 2011). À cela, il faut ajouter l’impact négatif des produits chimiques nécessaires au processus de fabrication du papier. Et puis, l’industrie des pâtes et papiers a besoin d’eau. Cette ressource vaut de l’or tant elle est indispensable et de plus en plus rare ; il n’est pas besoin d’en débattre.

Donc, en utilisant une liseuse électronique, on réduit l’usage du papier et on élimine tous les impacts écologiques liés à sa fabrication. Nous sommes sur la bonne voie. Mais le produit « liseuse », lui, où se place-t-il ? Soyons clairs, il n’est pas neutre, tant s’en faut. Il est notamment constitué de composants électroniques. L’extraction de ceux-ci, par exemple, a de réels impacts écologiques. Et, n’oublions pas que les livres électroniques sont véhiculés par Internet. Si Internet, par son concept, dématérialise de nombreuses actions devenues, pour certaines, quotidiennes, il demeure une entité qui provient de quelque part, supporté par une réalité bien matérielle.

En fait, plus de papier

Mais, revenons sur le papier, car faire des économies de papier est souvent l’argument avancé pour renforcer la notion d’écologie. Normal ! Papier, eau, arbre… nature… l’équation n’est pas difficile.

Donc, chouette, avec une liseuse, on utilise moins de papier et l’on est plus écolo !

Aussi étonnant que cela puisse paraître, des études, pour l’Europe du moins, viennent briser nos rêves. Il s’avère que, depuis que nous utilisons massivement les TIC (technologies de l’information et de la communication), nous utilisons également bien plus de papier.

Entre 1991 et 2004, la consommation de papier a augmenté de 40 % en Europe (…) contrairement aux croyances, la consommation de papier augmente progressivement, conjointement à l’adoption croissante des nouvelles technologies.

Rodhain, Rodhain, Fallery, & Galy, 2017

C’est étrange, non ! À une époque où envoyer un courriel est plus simple que d’envoyer une lettre par la poste, où l’on prône l’envoi de factures électroniques, où les services publics se mettent massivement à offrir du service dématérialisé, etc.

Mais, le papier n’est pas très cher et les entreprises, semble-t-il, en font une grande consommation. Il est un fait également que les imprimantes familiales se sont démocratisées. Il est donc facile pour tout un chacun d’imprimer un article ou une information quelconque. Bien plus, il semblerait que des lecteurs sur liseuse achètent le livre en version papier après l’avoir lu en version électronique [Arnfalk, 2010, dans (Rodhain, Rodhain, Fallery, & Galy, 2017)]. Hum ! Question papier, il n’est pas très certain qu’un gain écologique soit réalisé.

L’empreinte écologique de la liseuse

Avec une liseuse électronique, on gagne en papier quand même ! Certes. Toutefois, l’objet « liseuse électronique » n’est pas très écolo dans sa conception. Pratique, pouvant contenir un grand nombre de livres sans peser plus lourd, l’objet renferme néanmoins beaucoup de petits composants électroniques.

La fabrication d’un composant électronique pesant 2 grammes nécessite 1,2 kg de combustible fossile, 72 grammes de produits chimiques et 32 litres d’eau pure (selon l’Université des Nations Unies, à Tokyo).

Rodhain, Rodhain, Fallery, & Galy, 2017

L’extraction des minéraux nécessaires à la fabrication de la liseuse, notamment de la carte électronique, est un processus qui laisse la plus forte empreinte écologique (Weill, 2017). Et puis, un grand nombre des composants de la liseuse ne se recycle pas ou n’est pas envoyé adéquatement au recyclage. D’ailleurs, si les matières résiduelles de ménage sont déjà difficilement ou incomplètement recyclées, que dire des objets électroniques ! Bref, « le secteur des TIC est à l’origine d’une quantité de gaz à effet de serre comparable à celle produite par l’aviation : 2 % des émissions globales » [(Mingay, 2007, dans (Flipo, Deltour, & Dobré, 2016)].

Pollution numérique

Un dernier point du tableau brossé concerne la consommation d’énergie, car les TIC en sont de grandes consommatrices :

(…) la consommation énergétique du numérique augmentera d’environ 9 % par an entre 2015 et 2020. À scénario inchangé, la proportion de la consommation énergétique du numérique sur la consommation énergétique mondiale passerait ainsi de 2,7 % en 2017 à 3,3 % en 2020 et pourrait atteindre 4 % en 2025 voire 6 % si les progrès en matière d’efficacité énergétique ralentissaient

Gublin Guerrero, 2019

Le concept de « pollution numérique » (exploitation des matières premières, leur usage, émission des gaz à effet de serre qui en découle) n’est pas une plaisanterie.

Conclusion

Mais alors, pour combler nos besoins en lecture, que faire ? Papier, électronique ?

Résumons : les TIC, prises dans leur globalité, ne sont pas vraiment écologiques ; le tout papier ne l’est pas non plus. Alors, à moins de ne plus lire du tout, les impacts écologiques de la lecture sont bel et bien présents; il faut le savoir. En conséquence, utilisons ce qui nous convient et ce qui nous paraît le plus « raisonnable ». Par exemple, si l’on est un gros lecteur qui dévore plusieurs livres par mois ou qui lit de nombreux journaux ou magazines, peut-être est-il opportun de se procurer une liseuse. Sinon, un livre ou magazine papier peut très bien satisfaire un petit plaisir momentané, tandis qu’une liseuse n’est sans doute pas nécessaire.

TRAVAUX CITÉS

Flipo, F., Deltour, F., & Dobré, M. (2016). Les technologies de l’information à l’épreuve du développement durable. Natures Sciences Sociétés, 24(1), pp. 36-47. doi:doi:10.1051/nss/2016007

Gublin Guerrero, G. (2019, 04 04). Pollution numérique : quel impact environnemental ? Récupéré sur BSI economics : https://www.bsi-economics.org/992-pollution-numerique-impact-environnemental-ggg

Rodhain, A., Rodhain, F., Fallery, B., & Galy, J. (2017). Tic et/ou développement durable : le paradoxe écologique vécu par les utilisateurs. Annales des Mines – Gérer et comprendre, 128 (2), pp. 48-61. Récupéré sur https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2017-2-page-48.htm

Vous aimez les articles de Christine Sarpentier? N’hésitez pas à laisser votre appréciation!

2 Commentaires

Ajoutez un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs requis sont indiqués *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.