Trou, impossibilité, blocage, noirceur, vide, paralysie, néant, voilà le syndrome de la page blanche. Pour affronter ce syndrome, de quelles techniques faut-il s’armer? Comment dépasser cette peur, voire cette angoisse, qui survient lorsqu’on ne sait pas ou plus quoi écrire?
Un article du Monde datant de 2011 intitulé Quand l’écriture se dérobe avance deux attitudes d’écrivains face à la page blanche : le renoncement et le déni. Pour l’écrivain et académicien François Weyergans, ce syndrome n’existe pas : « Je ne comprends pas cette peur de la page blanche, inventée sans doute pour masquer le fait qu’écrire est difficile », dit-il. Il ajoute : « Écrire un roman n’est pas envoyer des cartes postales. J’adore les pages blanches, de préférence par centaines. Elles accueillent tout, repentirs, ratures, trouvailles. Pour écrire, j’ai besoin d’inconfort et d’inquiétude, deux choses qu’on n’affronte pas de gaieté de cœur. Mes personnages ont une devise : “L’angoisse ma muse, l’angoisse m’amuse” ».
Faut-il donc accepter le syndrome de la page blanche comme un cadeau?
L'attitude
Vous êtes la plume à la main, devant votre papier blanc. Que va-t-il se passer? Tout dépend de la tournure d’esprit, de l’incubation antérieure, de l’activité imaginative, enfin des bonnes dispositions où l’on se trouve, si l’on a bien médité son sujet. Mais, quelle que soit l’aptitude de chacun, le bon et le mauvais écrivain procèdent à peu près de la même façon. Le plan est fait, il s’agit non seulement d’exprimer des pensées, mais d’en inventer au fur et à mesure que s’opère ce travail d’élocution. C’est l’opération la plus importante, puisque c’est la force d’une pensée qui fait son expression, et que l’image elle-même n’est qu’une pensée. D’ailleurs, dès qu’on se met à écrire, toutes les opérations qui constituent l’art d’écrire entrent en jeu simultanément. On crée, on ordonne, on colore…
Antoine Albalat - L’Art d’écrire enseigné en vingt leçons
Que fait-on lorsque la pensée est vide? Certains diront qu’il faut écrire coûte que coûte, écrire tout ce qui passe par la tête afin de ne pas ressentir la désagréable impression du blocage. Antoine Albalat le déconseille, partant du principe qu’on a tant à corriger dans un ouvrage qu’il est inutile d’ajouter des écrits qu’on jugera, forcément, insatisfaisants.
Et si le blocage était favorable à l’écrivain? Il accorderait alors un temps de pause permettant d’évaluer le plan, de soupeser l’intensité de tel ou tel personnage, de corriger des paragraphes ou des chapitres, de remettre en question la pertinence et/ou la cohérence de l’idée, car c’est peut-être cela qui a tué l’inspiration à l’instant T.
Si les mots ne viennent pas ce matin, c’est peut-être que le cerveau n’a pas fini son travail d’analyse. Alors que l’écrivain est incapable d’exprimer clairement pourquoi il ressent un blocage, son inconscient, lui, le sait assurément.
Toutefois, oublions d’emblée que le blocage se libèrera par la seule volonté du Saint-Esprit. La « révélation » ne peut venir qu’après un travail de réflexion approfondie. Comme le dit Weyergans, écrire reste difficile.
La peur
L’écrivain n’a-t-il pas continuellement peur? Peur de ne pas avoir créé une histoire digne de ses prétentions, de décevoir son public, de ne pas être édité, de ne pas être lu, d’affronter la critique.
Le syndrome de la page blanche pourrait être un flux d’émotions généré, entre autres, par le rapport que l’on entretient avec son écrit autant qu’avec celui que l’on entretient avec le lecteur. Si l’on met de côté les blocages dus à de la technique littéraire, il reste le doute de ses capacités pour mener à bien son histoire. Mais cette peur est légitime, car elle dévoile le souci constant de bien faire. L’auteur doit l’apprivoiser pour favoriser et développer sa créativité, ce qu’il fera avec application et travail.
À l’inverse en effet, si la peur tétanise, elle engendre le renoncement.
Conclusion
« Mon vrai pays, c’est la page blanche », disait John Steinbeck. Et l’écrivain anglais Philip Pullman aurait dit :
Le blocage de la page blanche… on dirait beaucoup moins de bêtises, si dans chaque phrase contenant le mot ÉCRIVAIN on lui substituait le mot PLOMBIER et qu’on examinait le résultat. Est-ce que les plombiers ont des blocages? Que penseriez-vous d’un plombier qui utilise cette excuse pour ne pas travailler? (…) Le blocage de la page blanche est une condition qui affecte les amateurs ou les gens qui n’écrivent pas sérieusement. À l’opposé, il y a l’inspiration, dont les amateurs raffolent. On peut dire qu’un écrivain professionnel est quelqu’un qui écrit aussi bien quand il est inspiré que quand il n’est pas inspiré.
Pullman
4 Commentaires
Ce petit mot pour vous dire que le terme de °leucosélophobie étant mal formé, il n’a de ce fait n’a aucun sens. En outre, contrairement à ce que prétendent certains sites, il n’est pas d’origine latine, mais grecque ! En effet, les trois éléments qui le composent sont des mots grecs et la forme correcte doit être leucosélidophobie, comme je l’explique dans un article publié sur mon site internet, de consultation gratuite, intitulé sosgrammatical.ch Grammaticalité et grammaire française. J’ai d’ailleurs corrigé l’article que Wikipédia consacre à ce barbarisme !
En espérant que vous tiendrez compte de cette rectification importante et que vous contribuerez à répandre la forme correcte, je vous prie d’agréer mes salutations distinguées.
Jean-Jacques Richard
Bonjour Monsieur et merci pour ces précisions d’importance. De ce fait, je change mon titre.
Bonjour Madame,
Relisant mon message, j’y ai apporté une correction dans la seconde partie: c’est donc celui-ci qui est correctement écrit.
C’est avec un grand retard, dû à la préparation de mon déménagement puis à l’emménagement, que je lis votre aimable mot et vous en remercie. Veuillez, je vous prie m’en excuser.
Apparemment le terme de leucosélidophobie gagne du terrain, puisque l’on ne voit plus sur internet nombre de sites portant en titre le barbarisme signalé ; c’est sans doute dû à des gens comme vous qui ont eu à cœur de faire largement connaître le terme correctement formé.
Ayant relu votre article, clair et intéressant, je me permets de vous signaler un point de syntaxe relativement peu connu : celui de la double construction hypothétique si… et que. En effet, le mode employé dans le second membre de la phrase introduit par la conjonction universelle que doit être obligatoirement le subjonctif : “si vous résidez à l’étranger et que vous deviez faire des démarches administratives ; si vous résidez à l’étranger et que vous ayez reçu une lettre de l’administration fiscale…”, etc. Dans le cas de l’imparfait de l’indicatif après si, le verbe de la proposition introduite par que sera en bonne langue au subjonctif imparfait, ce qui doit être le cas dans la citation ci-après :
“… on dirait beaucoup moins de bêtises, si dans chaque phrase contenant le mot ÉCRIVAIN on lui substituât (au lieu de °substituait) le mot PLOMBIER et qu’on examinât (au lieu d’°examinait) le résultat.” En vous remerciant de votre compréhension, je vous prie d’agréer, Madame, mes salutations les meilleures. Jean-Jacques Richard
Bonjour Madame,
Venant de publier sur mon site sosgrammatical.ch un article relatif à un point de syntaxe relativement peu connu, soit celui de la double construction hypothétique si… et que + subjonctif de concordance, sur lequel j’attirais votre attention il y a quelques mois, je me permets de vous le signaler, car il est plus étoffé que ce que je vous écrivais alors. En espérant que vous vous portez bien ,je vous adresse mes salutations les meilleures. Jean-Jacques Richard
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