Pourquoi composer un énième article sur l’écriture du roman d’amour ? Parce que s’il existe une « recette » d’écriture et que celle-ci peut se résumer en quelques mots, la rédaction d’un tel roman est bien plus difficile qu’il n’y paraît.
Je ne vous fais pas languir davantage, voici la recette : un homme et une femme se rencontrent.
Comme vous le voyez, la « recette » est simple. Toutefois, elle ne nous apprend pas grand-chose. Il faut assurément avoir l’art de la mettre en œuvre de façon appropriée. Puis, on ne se le cache pas, même si un roman d’amour est bien rédigé, la concurrence est rude parmi les auteures (oui, elles sont majoritairement féminines) pour espérer publier un succès. Néanmoins…
Que le genre plaise à l’écrivain(e)
N’écrit pas un roman d’amour qui veut. Cela peut paraître une évidence, mais, pour l’écrire, il faut avoir une attirance pour le genre. Si Delly, Austen, Golon, Cartland et autres vous agacent, c’est peut-être un indicateur pour réfléchir sérieusement avant de vous lancer dans l’entreprise. Il y a des auteures plus contemporaines que celles-ci à prendre en exemple, je vous l’accorde bien volontiers, car le style du roman d’amour, comme le reste, a évolué. Et c’est tant mieux, parce que le roman d’amour est également le reflet d’une époque, d’une société. Pensons à la série Twilight de Meyer, dans le genre fantastique et sentimental, ou Cinquante nuances de Grey de E. L. James, pour n’en citer que deux. Bien sûr, il y en a pléthore.
Mais, qu’ils aient été des succès ou non, les romans d’amour se rejoignent tous quelque part : ils véhiculent des clichés et les lectrices et les lecteurs veulent retrouver, quel que soit le sous-genre du roman (historique, fantastique, policier, etc.), un mécanisme qui leur plait et les rassure. C’est de lui que découle leur plaisir de lire des romances. Ces lectrices et lecteurs veulent une lecture facile, sans prise de tête, qui stimule leur imagination, dans laquelle elles/ils s’attendent à renouer avec les mêmes schémas de lecture.
De tous les hommes qui étaient là, aucun ne pouvait se vanter d’égaler quelque peu l’être d’harmonieuse beauté et de suprême élégance qu’était Élie de Ghiliac. Ce visage aux lignes superbes et viriles, au teint légèrement mat, à la bouche fine et railleuse, cette chevelure brune aux larges boucles naturelles, ces yeux d’un bleu sombre, dont la beauté était aussi célèbre que les œuvres de M. de Ghiliac, et la haute taille svelte, et tout cet ensemble de grâce souple, de courtoisie hautaine, de distinction patricienne faisaient de cet homme de trente ans un être d’incomparable séduction.
Chez Delly, l’homme est beau et riche… Entre deux âmes (1913)
Malgré l’apparente facilité du schéma, un roman d’amour demeure une écriture qui s’adresse à un lectorat exigeant, qui se réfléchit et se construit. Lecture simple et facile ne rime pas avec écriture bâclée, bien au contraire.
À quoi faire attention?
Chez Harlequin, le scénario est identique d’un livre à l’autre : la rencontre de l’héroïne et du héros pour débuter ; leur mariage pour terminer, explique Bleton (2015). Entre les deux, les lectrices/lecteurs se plaisent à lire toutes sortes de confrontations, de polémiques, de la séduction jusqu’à la révélation de leur amour. Si la trame du roman d’amour est « bétonnée », un ouvrage est rendu unique par l’histoire originale que l’auteur(e) aura su développer.
Un critère d’achat pour ce lectorat, outre le thème du roman, est ainsi l’univers du récit. La collection, l’auteur ou l’édition importent finalement peu, car la lectrice/lecteur cherche avant tout à ce que son imaginaire soit comblé (Babelio Romance, 2016). Les maisons d’édition n’adhèrent pas à ce postulat. Pour elles, les lectrices sont fidèles à la maison et à leurs collections, parce qu’elles savent qu’elles vont y trouver exactement ce qu’elles attendent.
Ainsi, s’il y a une clé de la mécanique de la romance, c’est que la réunion des deux protagonistes est impossible jusqu’au moment ultime où elle se produit. Entre les deux, tout est possible. Néanmoins, les héroïnes doivent avoir des préoccupations résolument modernes : « Les lectrices évoluent et souhaitent désormais trouver dans les romans des héroïnes pleines d’ambivalence dans leur féminité, incarnant leur réflexion personnelle sur la place des femmes dans la société » (éditions Charleston dans Babelio Romance, 2016). Toutefois, les romances ont toujours souligné la place des femmes dans la société pour en amorcer une réflexion. C’est pourquoi les lectrices s’y reconnaissent.
De l’érotisme ou non ?
À une certaine époque, plus prude, l’érotisme était banni des éditions Harlequin, par exemple. Les protagonistes pouvaient coucher dans la même pièce, voire dans le même lit, mais ils ne devaient pas se toucher. Au pire, ils se bécotaient délicatement à leur insu. À la fin du roman, le long baiser s’imposait, mais il ne devait pas suggérer trop de choses ; l’acte sexuel ne pouvait se passer que durant la nuit de noces que la lectrice/lecteur imaginait. Il n’en est plus de même aujourd’hui.
Comme nous le disions, les mœurs ont changé. On peut se demander, dès lors, quelle est la frontière entre la romance et le roman sentimental avec une dose (plus ou moins grande) d’érotisme. Prenons en exemple le succès littéraire Cinquante nuances de Grey. Une étude de Babelio Romance (2016) mentionne que les lectrices savent très bien pourquoi elles lisent ce genre de romances. C’est un choix assumé. En fait, si les romances n’affichent pas forcément qu’elles offrent des passages érotiques, il semble que les lectrices/lecteurs s’attendent à en trouver et le veulent. Ce serait une clé du succès, notamment en France.
Une rivale, pas n’importe laquelle
Dans la trame d’une romance, une rivale peut venir s’interposer entre les héros, empêchant ainsi que leur amour se concrétise. Cette rivale est dotée d’un physique époustouflant. Mais, celle-ci n’a certainement pas les qualités morales de l’héroïne qui n’est pas dénuée de beauté d’ailleurs. Cette beauté est assurément différente. Elle est réaliste. Surtout, c’est une beauté qui correspond à l’image d’une femme morale.
Si cela vous tente : un concours
Le Prix du livre romantique par les éditions Charleston est fermé pour l’année 2021. Gageons qu’une nouvelle édition aura lieu en 2022. Affaire à suivre le site de l’éditeur dès avril : Les éditions Charleston. Le concours 2021 était ouvert le 15 avril 2021.
Conclusion
Il s’avère que la romance peut se permettre de plaire à un public assez large, car elle peut dépeindre de nombreux univers. Cependant, déconstruisons un mythe : si les lectrices/lecteurs de romance se plaisent à lire une histoire qui ne les fatiguera pas, si la romance est de la paralittérature supportée par un travail marketing bien rodé, écrire un roman d’amour n’est pas pour autant une tâche facile. Et ça, c’est à vous écrivain de vous y appliquer.
TRAVAUX CITÉS
Babélio Romance (2016). Qui sont les nouveaux lecteurs de romance ? Étude de lectorat. https://fr.slideshare.net/Babelio/etude-romance-babelio
Bleton, P. (dir.) (2015). Peut-on en savoir plus sur l’amour ? Télé-université. Université du Québec.
Delly (1913). Entre deux âmes. En ligne.
Illustration en entête : S. Hermann & F. Richter de Pixabay
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