Le fleuve Saint-Laurent est appelé ainsi par l’explorateur français Jacques Cartier parce qu’il y navigue pour la première fois le jour de la fête de Laurent de Rome ; c’était le 10 août 1535, lors de son second voyage. En fait, il donne d’abord ce nom à une petite baie qui aujourd’hui s’appelle Sainte-Geneviève (non loin de Havre-Saint-Pierre) dans laquelle il fait halte afin de mettre ses navires à l’abri. Quelques jours plus tard, le 14 août, il mettra les voiles vers l’ouest jusqu’à Hochelaga. Il dit :
Nous fusmes au dit hâble[1] dempuis le dit jour jusque au Dimanche huitième jour d’Aoust, auquel jour appareillasmes et vinsmes querir la terre du Su vers le Cap de Rabast, (…). Et le lendemain, le vent vint contraire ; et pour ce que nous ne trouvâmes nul hâble à la dite terre du Su, fismes porter vers le Nort outre le précédent hâble d’environ dix lieues, où trouvasmes une fort belle et grande bay pleine d’Isles (…). Nous nommasmes la dite baye La Baye Saint Laurent.
[1] Hâvre Saint Nicolas : certainement le Hâvre de Mingan.
Alfonse, Jean, 1483?-1557?; Noël, Jacques, 1519-; Roberval, Jean François de La Roque, sieur de, 1501?-1560?; Faribault, G.-B. (Georges-Barthélemi), 1789-1866; Literary and Historical Society of Quebec (1843, p. 29)
Charlevoix d’expliquer :
Le dixième [du mois d’août] les trois vaisseaux rentrèrent dans le Golphe, & en l’honneur du Saint dont on célèbre la Fête en ce jour, Cartier donna au Golphe le nom de Saint-Laurent, ou plutôt il le donna à une Baye, qui est entre l’île d’Anticosty & la côte septentrionnale, d’où ce nom s’est étendu à tout le Golphe, dont cette Baye fait partie ; & parce que le Fleuve, qu’on appelloit auparavant la Rivière de Canada, se décharge dans ce même Golphe, il a insensiblement pris le nom de Fleuve S. Laurent qu’il porte aujourd’hui.
Charlevoix, 1744, p. 118
Cartier croyait qu’il avait à faire avec un golfe et non un fleuve. Il nomme donc ultérieurement le fleuve : Grand fleuve de Hochelaga.
Desmarquets n'est pas d'accord
Pour Desmarquets, c’est Thomas Aubert et Jean Vérassen, navigateurs dieppois, et non Jacques Cartier, qui ont eu cet honneur de nommer le Saint-Laurent lors de leur voyage au Nouveau-Monde en 1508. Il dit :
Ces deux navires [commandés par Aubert et Vérassen] partirent de Dieppe au commencement de 1508 & découvrirent, la même année, le Fleuve Saint-Laurent, auquel ils donnèrent ce nom, parce que ce fut ce jour-là qu’ils commencèrent à le remonter ; ce qu’ils firent jusqu’à plus de quatre-vingt lieues, trouvant des habitants affables, avec lesquels ils firent des échanges les plus avantageux en pelleteries.
Desmarquets, J.-A.-S. , 1785, p. 115
Et Desmarquets d’insister que, de toute façon, ce n’est pas Jacques Cartier qui a découvert le Canada, en déplaisent aux Malouins.
Charlevoix, à propos des voyages d'Aubert
(…) il paroît qu’on a avancé sans fondement que ce Navigateur [Thomas Aubert] avoit fait la découverte de ce pays par l’ordre de louis XII. Il passe pour constant dans notre Histoire que nos Rois n’ont fait nulle attention à l’Amérique avant l’année 1523. Alors François I (…) donna ordre à Jean Verazani, qui était à son service, d’aller reconnoître les Nouvelles Terres dont on commençoit à parler beaucoup en France.
Charlevoix, 1744, p. 112
Desmarquets avait une grande admiration pour les gens de sa ville, Dieppe (Voir l’article sur Jean Cousin); une si grande admiration que des historiens ont dit de ses écrits :
(…) c’est que souvent Desmarquets mêle le faux au vrai, confond les époques et les hommes, et donne aux actes réels des Dieppois une importance qu’ils n’ont pas toujours. Ce n’est pas qu’il faille ne pas tenir compte de ce qu’il avance : la plupart du temps (…), ce sont les détails plutôt que le fonds qui sont inexacts chez lui.
Margry, 1867
D'autres noms
Dans les paroisses du Bas-du-Fleuve, on pouvait entendre La Ignolée chantée par les quêteux (Roy, 1944) :
Samuel de Champlain, quant à lui, avait nommé le fleuve: Grande rivière du Canada, avant de l’appeler Grande rivière de Saint-Laurent. Au fil des ans, le fleuve aurait porté différents noms : la Rivière des Morues, la Grande-Rivière, la France Prime, la Rivière du Canada, la Mayne Rivier, le Grand Fleuve Hochelaga, la Rivière des Iroquois, la Rivière Cataracoui-Loutshou (Rousseau, 2016). Le nom définitif Fleuve Saint-Laurent est officialisé au XVIIe siècle.
Quoiqu'on en dise...
… le fleuve avait déjà un nom avant l’arrivée des Européens. Les Algonquins l’appelaient Magtogoek.
TRAVAUX CITÉS
Charlevoix, P.-F.-X. (1744). Histoire et description générale de la Nouvelle-France. Tome 1, avec le journal historique d’un voyage fait par ordre du Roi dans l’Amérique septentrionale (Vol. 1). (Éditions Bibliothèque nationale de France) Chez Didot.
Desmarquets, J.-A.-S. (1785). Mémoires Chronologiques pour servir à l’histoire de Dieppe, et à celle de la navigation françoise; avec un recueil abrégé des privilèges de cette ville (Vol. 1). Desauges Libairie.
Desmarquets, J.-A.-S. (1785). Mémoires Chronologiques pour servir à l’histoire de Dieppe et à celle de la navigation française; avec un Recueil abrégé des Privilèges de cette ville (Vol. 2). Desauges Librairie.
Margry, P. (1867). Les navigations françaises et la Révolution maritime du XIVe au XVIe siècle : d’après les documents inédits tirés de France, d’Angleterre, d’Espagne et d’Italie (Éditions Bibliothèque nationale de France, Vol. 1). Tross.
Rousseau, C. (2016). Le fleuve Saint-Laurent. Bulletin de liaison. Patrimoine et histoire des seigneuries de Lotbinière 9(4). 8–10. https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2795870
Illustration : Havre Saint-Nicolas. Comeau, Napoléon-A. (Napoléon-Alexandre), 1848-1923. Dans Labrador et Anticosti : journal de voyage, histoire, topographie, pêcheurs canadiens et acadiens, indiens montagnais / par l’abbé V.-A. Huard…, p. 69. https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/1958338
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