Chacune de ses célébrations n’est pas entourée d’un faste liturgique égal bien qu’elles aient toujours toutes été l’objet d’une grande solennité. Ainsi, en 1917, en raison de l’atroce guerre qui sévit, le Grand Pardon est limité à une simple messe dite à l’intérieur de l’église Saint-Jean.
Les autres années, la procession parcourt les rues de la ville devant une foule plus ou moins dense. En début d’après-midi, le clergé sort de l’église tandis que carillonnent les cloches, que résonnent les trompettes et battent les tambours. De théâtre en théâtre, plus tard de reposoir en reposoir, le cortège emprunte les rues principales du centre-ville avant de revenir à la Basilique.
Pour en retracer le faste et la solennité, je vous propose ces quelques lignes extraites du livre dans lequel j’ai puisé d’utiles informations. Transportons-nous dans les premiers temps de sa célébration.
Après les musiciens, la bannière rouge de Saint-Jean-Baptiste. Les acteurs et actrices des mystères, dont chaque groupe s’arrêtera, au passage, à son théâtre. Les corporations de métiers avec leurs bannières et le bâton portant la statue du saint patron, que tient le bâtonnier annuel : maçons, sculpteurs, orfèvres, serruriers, couvreurs, tourneurs, pâtissiers, tisserands, couturiers, boulangers, bouchers, tanneurs et, à la dernière place, ayant pas sur les autres, les huissiers. La corporation des marchands… encadre le dais. Viennent ensuite les ordres religieux : moines de La Crête, Cordeliers de Châteauvillain, Minimes de Méchineix, Hospitaliers du Gorgebin, Cisterciens de Buxereuilles, les Pénitenciers, l’Ermite de Saint-Roch portant la Croix du Chapitre et le Chapitre lui-même.
Bruno Théveny
Les autorités religieuses qui président les cérémonies sont elles aussi souvent prestigieuses. C’est d’abord l’évêque de Langres entouré des membres du Chapitre. En 1866, il est assisté du cardinal archevêque de Besançon. En 1877 officie l’archevêque de Toronto. C’est au tour de l’archevêque de Lyon en 1888, des archevêques de Dijon et de Nancy en 1894, des prélats de Troyes, Nîmes, Monaco et Moulins en 1901 puis de l’évêque de Verdun en 1906. En 1928, le cardinal archevêque de Lyon, primat des Gaules, est entouré des évêques de Langres, de Châlons, de Saint-Dié, de Poitiers, de Verdun, de Limoges, de Dijon et de Troyes. En 1934, la présidence est confiée au cardinal-évêque de Lille.
Fête religieuse ou fête populaire?
Une foule nombreuse s’est toujours pressée à Chaumont, dépassant souvent la population de la ville. En 1877, 25 000 participants sont recensés ; 30 000 en 1906, 25 000 en 1923 ; 35 000 en 1928 et 98 000 en 1934, année record semble-t-il. En 1945, l’affluence est moindre et cela se comprend aisément.
Les fidèles se confessent puis ils reçoivent l’hostie de la communion que donnent de nombreux prêtres. Après quoi, ils suivent la procession et s’arrêtent devant chaque théâtre des mystères. Celui des « Vertus » fait face au porche de l’église ; celui consacré à « Zacharie », qui représente l’annonce faite par un ange, est dressé place Saint-Jean. Se succèdent sur le parcours la « Visitation », les « Prophètes », la « Nativité de Jean Baptiste », puis « Saint-Jean au désert », « Saint-Jean prêchant », le « Baptême de Jésus », l’« Emprisonnement de Saint-Jean », la « Décollation de Saint-Jean » pour aboutir, adossé au bâtiment des halles (place de l’Hôtel de Ville aujourd’hui), par le terrible et coloré « Enfer ».
Sur les estrades, acteurs et actrices se démènent. À leur pied, la foule, calme d’abord, applaudit ou crie, encourage ou vilipende, puis, la procession s’étant éloignée, il lui arrive de s’échauffer et de grogner.
Ces théâtres ont provoqué de trop nombreux débordements. D’autant que, dans les temps anciens, le Grand Pardon se prépare des mois avant le 24 juin. Ce qui donne, en particulier, naissance à la pratique des « Diableries ». Dès les Rameaux, les Diables s’emploient, sorte de répétition, à perturber la procession du jour. Il en sera ainsi chaque dimanche jusqu’à la Saint-Jean. Conscient d’excès qu’il ne peut cautionner, le clergé a tenté d’interdire ces coutumes païennes. Le peuple souhaitera leur maintien ; les bourgeois et les marchands aussi, bien évidemment. Pensez donc ! Elles remplissaient les échoppes. « La Fleur de Lys » et « L’homme Sauvage », rue Toupot ; « Le Dauphin » et « Les Trois Rois », dans les cours ; « La Cloche », rue de Chamarandes ; « Le Cheval Blanc » et « La Couronne », rue Pasteur. Elles favorisaient le commerce. Elles perdureront jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Un accident survenu le 24 juin 1646 avait vu le théâtre de l’« Enfer » s’écrouler causant de nombreuses victimes.
Aux théâtres succèderont les reposoirs. Si certains accueillent des personnages vivants, il n’est plus question de pantomime : ils demeurent immobiles. Outre les étapes de la vie du saint patron, sont figurées, par exemple, des illustrations de « La Religion », de « La Grotte de Lourdes », de « La Papauté » ou de « Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus ». Bref ! Le « Grand Pardon » est redevenu une manifestation religieuse, solennelle et digne. Les gens massés sur les trottoirs regardent en silence, les hommes se découvrent, tous (ou presque tous) se signent, certains s’agenouillent.
Il n’empêche que les rues adjacentes à la procession, et notamment la place de la gare où arrivent puis repartent trains et autobus, sont encombrées d’étals proposant qui des médailles en plastique (jadis en plomb), qui des statuettes, des boules à neige et des images pieuses, qui des casquettes et autres accessoires. Quant aux patrons des hôtels, restaurants et bars et aux vendeurs de frites ou de gaufres, ils ne chôment pas.
Soucieuse d’animer la ville, la municipalité entoure à présent cet évènement religieux de plusieurs activités culturelles, comme un concert, une exposition, des spectacles…
Chaumont vit à chaque fois des moments intenses.
La dernière cérémonie du Grand Pardon s’est déroulée le dimanche 24 juin 2018. Elle avait pour thème : «Tu as du prix à mes yeux » (livre d’Isaïe 43,7).
La suivante aura lieu 11 ans après.
Je vous propose qu’on se retrouve sur le parvis de la basilique Saint-Jean-Baptiste de Chaumont le dimanche 24 juin 2029 !
TRAVAUX CITÉS
Théveny, Bruno. (2008). Chaumont à la Belle Époque, Dominique Guéniot Éditions, 224 p.
Illustration d’entête: Lionel. Grand Pardon de Chaumont, cérémonie d’ouverture, 23 juin 2012. Récupéré sur https://commons.wikimedia.org
Illustration de texte : carte postale personnelle.
1 Commentaire
.Merci pour cette lecture qui rappelle des souvenirs bien lointains.
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